Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
15 juillet 2013 1 15 /07 /juillet /2013 13:23

Notre professionnalité

 

Jean

 

Quelques réflexions perso

autour de la question de la professionnalité.

 

 

Je m’interrogerai sur ce qui fait la particularité d’un “ bon ” professionnel de l’éducation, d’un “ bon ” enseignant. Bien entendu, ces considérations sont subjectives et soumises à débat. Il me semble essentiel de se poser la question “ quelles sont les compétences que je dois développer pour améliorer mon rôle d’enseignant ? ”. Ne serait-ce pas là un premier signe de “ bonne ” professionnalité ?

J’ai le sentiment qu’à l’heure actuelle les représentations de ce qui constitue une “ bonne ” professionnalité sont révélatrices de conceptions de l’enseignement que je ne partage pas et qui me semblent être des obstacles à ce qu’elles prétendent favoriser !

Voici quelques-unes de ces représentations obstacles que je perçois :

  • “ Si ma séance se passe mal, c’est que j’ai mal préparé en amont ! ”

Cette représentation est favorisée dès le début de la formation où nombre de formateurs relayent cette idée. Comme si toutes les difficultés auraient pu être évitées avec une préparation plus minutieuse. Et comme si  tout se jouait non pas avant 6 ans mais avant la séance en classe. Une bonne préparation serait celle qui aurait bien tout anticipé et qui aurait permis d’éviter les difficultés qui se sont posées.

Cette conception là me semble même opposée aux théories du constructivisme et à cet idée qu’on apprend de nos erreurs, des obstacles que l’on rencontre ( cf Astolfi : “ le statut de l’erreur ” et “ la saveur des savoirs ”). Pire, elle me semble reléguer l’idée d’obstacles à des considérations purement et exclusivement didactiques. Or je pense que les obstacles didactiques ne sont pas les plus difficiles à lever contrairement aux obstacles méthodologiques ou psychologiques. Et que ces derniers sont beaucoup plus fréquents…

Malgré tout, j’ai maintes fois entendu ce discours de la part de formateurs, d’inspecteurs : “ vous avez mal préparé en amont, cqfd ! ”. Conséquences : on pense que la qualité de l’enseignement est corrélée à la quantité de travail fourni en amont et on considère comme “ fumistes ” ceux qui ne présentent pas clefs en main de belles fiches de préparations, progressions, programmations, cahier journal …

Attention, malgré les propos que je tiens, je ne dis pas que cette préparation en amont et tous les écrits qu’elle occasionne sont dénués d’intérêt. Mais je pense qu’il y a une trop grande insistance sur ces aspects et que cela favorise la construction d’un “ rapport au métier ”, d’une professionnalité tronqués.

 

Si on accepte cette idée que la clef d’un “ bon enseignant ” est de bien préparer en amont, on aboutit –à mon avis- aux dérives suivantes :

 

  • “  il va falloir que je trouve le “ bon outil ”, la bonne préparation, le bon manuel pour faire une bonne séance. ”

Ainsi, fleurissent les fiches de préparation clefs en main sur les sites internet, se développent les demandes d’outils pratiques qui certes sont nécessaires mais n’ont du sens que lorsqu’ils sont reliés à une profonde réflexion théoriques et même éthique ! A quoi ça sert d’utiliser les fichiers Freinet si on n’est pas dans la philosophie de cette pédagogie ? Si on nous demande “ plus de concret ” et qu’on ne supporte pas “ les beaux discours ”, n’est-ce pas parce qu’on s’est construit cette représentation que “ une bonne pratique vaut mieux que du baratin ” ? Et cette représentation, comment on se la construit ? Je fais l’hypothèse que la trop grande importance accordée à la production d’écrits professionnels trop exclusivement didactiques favorise cette représentation. Quand demandera-t-on des écrits professionnels qui poseront des principes théoriques et éthiques ? Qui nous obligeraient à réfléchir à notre pratique non uniquement sur le plan didactique mais sur le plan théorique et éthique ? Des écrits professionnels qui n’auraient pas pour objectif de montrer qu’on a “ bien préparé ” mais qui nous obligerait à penser au quotidien à ce qui fonde notre professionnalité.

 

Dans notre formation, j’ai l’impression que de nombreuses choses sont faites pour nous faire croire que nous sommes les praticiens et ce sont les autres les penseurs ! On ne nous demande pas d’avoir une réflexion théorique ou éthique en lien avec la pratique. On nous demande de bien préparer. Et c’est quoi bien préparer ? Quand on a des apports théoriques, on nous propose des conférences avec des “ têtes d’affiches ” ou alors on nous distribue des documents de ceux qui ont le statut pour penser : les chercheurs, les théoriciens. A quand une animation pédagogique où on partirait des représentations sur le constructivisme des enseignants pour aider à construire le concept ? Il me semble primordial d’aider à la construction de cette représentation du métier que nous sommes tous des chercheurs ! (cf GFEN : “ tous capables, tous chercheurs ”), que toute réflexion, toute remarque, toute idée est bonne, que toute représentation est “ bonne ”. Toute représentation est “ bonne ” car elle est le témoin de quelque chose d’intéressant. Durant cet écrit, j’ai souvent mis le mot “ bon ” entre guillemets, il est temps de sortir de l’enfermement occasionné par l’utilisation de ce terme. Jacques Rancière dans “  Le maître ignorant ”, nous explique l’importance de sortir de la hiérarchisation de bon à mauvais. Rien n’est “ bon ” ou “ mauvais ” mais tout a du sens. Lorsque je dis qu’il y a de “ bonnes “  représentations du métier, cela n’a pas de sens. Il y a des représentations et elles ne sont ni bonnes ni mauvaises. Ou alors elles sont toutes “ bonnes ” car elles “ sont ” ! Nous devons partir de ce qui “ est ”. Tout ce qui “ est ” est “ bon ” en ce sens où nous ne devons pas nier ce qui est mais faire avec, essayer de le comprendre pour s’appuyer dessus pour évoluer. Plutôt que de parler de “ bonne ” ou “ mauvaise ” représentation, parlons de représentations qui semblent favoriser ou faire obstacles à certaines théories ou éthiques de l’apprentissage. Prenons du temps pour définir chacun à notre place quelles sont les théories ou les éthiques d’apprentissages que nous préconisons.

 

Dans le même registre, il est à noter que dans les missions des formateurs 2011, il est dit que ceux-ci doivent mutualiser, échanger leurs “ pratiques efficaces ” …

 

 

  • “ moi je suis un praticien pas un théoricien ! ”

Combien de fois ai-je entendu ce discours ! Là encore, pas de jugement ! Mais, il me semble être le témoin de représentations du métier qui me semblent néfastes pour l’exercice de ce métier ! Pourquoi et comment en arrivons-nous là ? Invite-t-on lors des animations de formation à être des praticiens réflexifs ou des exécutants de “ bonnes ” pratiques ? Combien d’animations pédagogiques sont basées sur l’exposition par de “ bons  praticiens ” de “ bonnes pratiques ”. Certes cela n’est pas présenté comme cela, mais qui est “ autorisé ” à venir présenter ses pratiques ? L’enseignant lambda ou le formateur ou l’enseignant reconnu par sa hiérarchie ? Pour présenter ses pratiques il faut donc être “ bon ”. Car le but est de présenter de “ bonnes ” pratiques afin que les autres puissent utiliser ces pratiques “ clefs en main ”. Bien entendu, ce n’est pas présenté comme cela ! Et ce n’est pas l’intention voulue. Mais “ la cour de notre enfer est pavée de bonnes intentions ” comme disait Molière. Quel est l’objectif de tels moments de formation ? Réfléchir sur les liens entre pratiques, théorie et éthique ou écouter de “ bons ” conseils pour “ faire comme ” ? Que développe-t-on dans ces moments-là ? Une posture de praticien chercheur et réflexif ou celle d’un bas exécutant dans la hiérarchie du travail ? Division du travail où certains seraient autorisés à penser et d’autres à exécuter ! On retrouve un peu l’idée qu’il y aurait des “ manuels ” et des “ intellectuels ” de la profession. Si on souhaite que chacun réfléchisse, il faut permettre l’expression réflexive de chacun. Signaler qu’il n’y a pas de “ bonnes ” ou de “ mauvaises ” idées . Qu’il n’y a que des idées qui témoignent imparfaitement à un moment donné de représentations qui “ sont ” et qui parce qu’elles “ sont ” sont forcément “ bonnes ” (pas au sens de valeur mais au sens où elles sont “ vraies ” et que c’est sur elles, avec elles qu’on doit faire).

Combien d’enseignants culpabilisent d’entendre des “ beaux discours ” et se sentent si éloignés d’eux ? Combien d’enseignants ne se sentent pas capables de parler théoriquement de leurs pratiques ? Comment ont-ils pu être confisqués de leur capacité à penser ? Lorsque je faisais “ passer ” des oraux pour le concours PE1, j’étais frappé par le fait que certains étudiants s’autorisaient à penser en n‘attendant pas d’avoir lu telle ou telle chose pour avoir une “ réflexion sur ”, alors que d’autres me disaient “ je ne peux pas prendre ce sujet car je n’ai rien lu dessus ! ”. Comment on arrive à un peu plus de 20 ans à cette représentation que tant qu’on n’a rien lu ou entendu sur un sujet on n’a rien à dire ? Et pourquoi certains (rares ) étudiants semblent avoir cette aisance réflexive ?

Comment expliquer ensuite que si peu d’enseignants lisent spontanément des ouvrages théoriques (pédagogie, philosophie de l’éducation, sociologie) ? Que cela les ennuie et qu’ils n’en voient surtout pas l’utilité dans leur pratique quotidienne ? Je fais l’hypothèse que le problème est lié à la façon dont sont présentées les réflexions “ théoriques ”. De la même manière que les recueils des représentations sur le rapport au savoir nous aident à comprendre où se situent les obstacles à apprendre chez les élèves, les recueils de représentations des enseignants sur leur métier devraient nous éclairer sur les obstacles à lever et nous interroger sur ce qui dans la formation risque de véhiculer de telles représentations. Pourquoi donc si peu d’enseignants lisent des ouvrages pédagogiques ? Pourquoi autant d’enseignants cherchent la “ bonne ” préparation, le bon outil tout prêt ? Pourquoi est-il si difficile de parler de ses difficultés ? Pourquoi est-on gêné pour ouvrir sa classe aux autres ? Pourquoi angoisse-t-on à l’idée d’être observé ? Pourquoi nombre d’enseignants estiment que dans de nombreux cas ils ne peuvent rien faire et que celà relève du médical ou de la famille ?

 

Je souhaite à ce moment de la réflexion essayer de définir ce qui me semblerait nécessaire pour pouvoir se qualifier de “ professionnel de l’éducation, de l’école ” et à l’opposé définir ce qui me semblent être des obstacles aux qualités requises pour être un “ pro ”.

 

L’école et l’éducation est un sujet de discussion où chacun a son mot à dire. Tout le monde a côtoyé l’école et en a tiré profit ou en a souffert. Chacun se base sur son histoire singulière, sur son rapport singulier à l’école pour en tirer des généralités pour tous. Or dans le domaine de l’école, force est de constater en tant que “ professionnel ” que ce qui marche pour l’un ne marche pas forcément pour l’autre ! Dès le début de l’année, lors de la première réunion avec les parents, je me pose comme professionnel en disant que mes réflexions, mes prises de position ne se basent pas sur mon parcours personnel ou sur la comparaison avec mon frère ou ma cousine mais sur l’expérience vécue avec des centaines d’enfants de niveaux différents, de lectures d’ouvrages pédagogiques variés, de recherches diverses, de réflexions poussées dans le cadre de la formation ou de l’engagement militant. Mon avis est donc plus “ professionnel ” car il prend en compte statistiquement beaucoup plus d’éléments en compte que l’avis des parents. Pour être “ pro ” il me semble donc primordial de se tenir à jour des avancées de la recherche et des réflexions pédagogiques nouvelles. Cela me paraît nécessaire d’être au courant des réflexions des “ grands pédagogues ”. C’est passionnant et ça me permet de mieux comprendre ma pratique. Pourquoi si peu d’enseignants s’intéressent à la recherche et aux écrits théoriques ? Peut-être parce qu’ils en attendent des choses qu’ils ne sont pas sensés donner ? En effet, si on pense avoir “ la bonne méthode ” infaillible en lisant des ouvrages théoriques, on risque de rester sur sa faim ! Si on considère que la théorie devrait nous permettre spontanément de mieux faire la classe, on risque de déchanter aussi ! Il en va des “ grandes théories ” comme de n’importe quel savoir. Il nécessite une assimilation intérieure pour être vraiment intégré. Il nécessite d’être construit par l’apprenant et cette construction est unique pour chacun. Favorise-t-on en formation la construction “ constructiviste ” des savoirs sur l’éducation ? Ou se contente-t-on d’exposer ces théories ? De demander de lire les ouvrages qui les narrent ? Quel travail constructiviste fait-on sur les “ beaux discours ” ?

Bien sûr, quelques rares enseignants n’ont pas construit ce rapport “ docile ” aux “ grandes théories ”. Ceux-ci perçoivent l’intérêt de lire des ouvrages, d’échanger des réflexions avec leurs collègues. Mais est-ce l’institution qui a permis la construction de ce rapport constructif aux “ grandes théories ” ou le parcours singulier de chacun ? De la même manière qu’on attend souvent de nos élèves qu’ils disposent en arrivant dans nos classes des compétences nécessaires à l’acte d’apprendre (être curieux, autonome, demandeur, oser dire je ne sais pas …) pense-t-on peut-être que l’enseignant doit être “ naturellement ” curieux, positif, constructif, dynamique ? Que cela ne nécessite pas de formation, qu’il n’y a pas des dispositifs qui favorisent (ou non) ces attitudes ?

 

Je crois que notre formation est très souvent trop “ implicite ”, qu’on attend de nous que l’on soit responsables, critiques, curieux, sans idées arrêtées sans faire réellement de ces qualités là des enjeux de formation. Ce sont plus des prérequis que l'on est sensé maîtriser en arrivant dans le métier. Je pense qu’il serait “ pro ” de réfléchir à “ comment on aide à se construire (ou pas) un rapport au métier qui soit réellement réflexif ! ”

 

 

Je vais tenter de définir ci-dessous ce qui me semble être indispensable à un “ pro ” de l’éducation :

  • être convaincu que la recherche de la “ bonne méthode ” qui vaudrait pour tous est un leurre. Car chaque élève est un être singulier et que son apprentissage ne dépend pas uniquement de la didactique des disciplines.

  • Etre toujours constructif dans ses réflexions et combattre tous les fatalismes du genre “ on n’y peut rien pour celui-ci, c’est de la faute à sa famille ou c’est du recours de la médecine. ”. Certes on ne peut pas tout mais on ne peut pas rien non plus ! Pire ! Si on est au courant de l’effet pygmalion, on ne peut que combattre de tels discours.

  • Se tenir informé des “ théories ” de l’apprentissages et des travaux de la recherche. Se tenir informé non pour avoir la  “ recette ” à appliquer mais parce que chaque réflexion peut nous aider à saisir, à comprendre la particularité d’un parcours singulier dans la classe. Parce que nous faisons de l’argumentation et de la réflexion sur nos pratiques une obligation de notre profession. Ce qui nous différencie de tous ceux qui ont avis sur l’éducation c’est que nous pouvons étayer notre avis avec des théories de l’éducation, des recherches variées et parfois même contradictoires.

  • Se considérer comme un “ chercheur ” dans le domaine de l’école et comme un chercheur mesurer les effets de ses pratiques, statistiquement, en se dotant d’instruments de mesure de l’efficacité de sa pratique. Tout en ayant conscience que ce qui marche pour soi ne marchera pas forcément pour d'autres et que ses conclusions n’auront aucune valeur générale.

  • Pouvoir expliciter ses parti-pris pédagogiques et les théories de l’apprentissage que l’on préconise. Là encore, pas de parti-pris meilleurs que d’autres mais simplement se sentir “ obligé ” de pouvoir justifier, éclairer ses pratiques par des justifications théoriques et éthiques.

  • Si on adhère aux théories constructivistes ( chacun se construit son savoir par une réappropriation personnelle, nous n’avons pas une tête vide à qui il suffirait de dire pour qu’elle se remplisse) alors nous devons réellement considérer l’erreur comme un levier pour apprendre et ne pas chercher à l’éviter à tout prix dans des situations didactiques aseptisées.

  • Un “ pro ” doit selon moi savoir être à l’écoute constructive de n’importe quelle remarque. Il ne doit pas penser mieux savoir que les autres mais chercher à comprendre au positif ce que les autres veulent dire. Il doit avoir conscience que ce qu’il pense n’est pas plus ou moins bien que ce que pensent les autres. Il doit accepter la pensée de chacun et sa propre pensée en étant débarrassé d’une hiérarchisation dans les pensées (il n’y a ni bonnes ni mauvaises idées, il n’y a que des idées qui osent s’exprimer … si on les autorise et ne les juge pas !).

  • Un “ pro ” ne doit pas fantasmer sur sa toute-puissance éducative. Il ne peut pas tout mais cette acceptation ne doit pas l’amener à ne rien faire sous prétexte qu’il ne peut pas tout ! Il ne doit pas non plus et à l’inverse se condamner à outrance en cas de difficulté.

  • A ce propos, il me semble nécessaire qu’un “ pro ” de l’éducation soit en mesure de dépersonnaliser les attaques, les difficultés ou les critiques qu’il subit. Il doit accepter de remettre en cause en permanence ses actes et ses réflexions sans que ces remises en cause ne l’affecte outre mesure dans sa personne. On dit souvent qu’apprendre est violent car il nécessite la remise en question d’état de connaissances antérieures. Il faut accepter de faire son deuil des anciennes conceptions pour pouvoir apprendre … à condition que ces “ deuils ” ne soient pas perçus comme des atteintes à la personne. Il faut combattre ses tendances parano pour être un “ pro ” de l’école !

  • Un “ pro ” de l’école doit selon moi être toujours à la recherche de la logique sous-jacente de tous les élèves (surtout de ceux qui ont des difficultés !). Il y a toujours une logique dans les difficultés. Notre rôle est d’avoir conscience qu’il existe toujours une logique, de faire des hypothèses sur ces logiques qui conduisent à des difficultés pour varier, pour différencier notre apprentissage et notre pédagogie.

  • Un “ pro ” se donne pour mission d’aider les élèves à se construire un rapport au savoir qui lui permettra d’être autonome dans ses apprentissages (autodidacte) tout en étant respectueux des autres et des biens communs et en ayant la volonté d’améliorer les choses de la vie pour tous.

  • Un “ pro ” ne doit pas être un exécutant docile des ordres de sa hiérarchie. S’il fait quelque chose, il doit pouvoir le justifier par ses arguments théoriques et éthiques propres. Faire quelque chose “ parce que c’est dit dans les programmes ” ou “ parce que l’inspecteur le demande ” est le signe d’une irresponsabilité professionnelle !

 

 

Bon, je vais me calmer un peu maintenant ! Je pensais faire un petit texte mais ça m’a amené plus loin que prévu et pas aussi loin que je le perçois maintenant !

Comme promis je vous livre ces quelques réflexions afin d’alimenter (ou non) nos réflexions communes pour la réunion du 17/12/2011.

 

A plus Jean

 

 

Yves

 

Qu'attend-on d'un professionnel en général ? Qu'attend-on d'un médecin, un plombier, un cuisinier ? Ces métiers sont-ils comparables avec le métier d'enseignant ? Y a-t-il des incontournables qui définissent la professionnalité ? Qu'est-ce qui distingue le bricoleur de l'artisan ?

 

Professionnel s'oppose à « amateur » ou plutôt à « profane ». L'opposition amateur/professionnel renvoie à la rémunération tandis que l'opposition professionnel/profane renvoie davantage à la connaissance et l'expérience.

 

J'attends d'un professionnel une certaine expertise, reste à définir ce terme ! L'expertise permet de sortir des arguments de « sens commun », non pas que le sens commun ne soit pas un « bon sens » mais l'expert est dans un autre champ que celui du profane, un champ qui lui permet de construire un raisonnement appuyé sur des arguments solides, tiré de ses connaissances théoriques et pratiques et fondé par une éthique.

 

1° C'est donc d'abord une éthique : Prise en compte de la richesse humaine qui est au cœur de notre métier. Entendre les élèves, les parents et les partenaires. Fuir les préventions, les préjugées, les idées préconçues... Éviter donc les pièges du sens commun.

 

2° C'est ensuite une attitude : Une posture distanciée par rapport à son champ d'exercice. Une distance dans laquelle prend place la réflexion et la mise à distance des émotions trop directes et des sentiments personnels (en relisant cette phrase j'en perçois la froideur ! Je devrais parler d'émotions présentes, riches mais maîtrisées).

 

3° C'est aussi travailler selon une dialectique complexe: observer/décider, réfléchir/agir. Prendre le temps de l'analyse et sortir des préventions, des préjugées, des idées préconçues... (bis)

 

4° Si je poursuis la comparaison et la recherche des incontournables, être un professionnel c'est aussi la possibilité de construiredes réponses adaptées, argumentées et efficaces ! Un médecin se doit de répondre et de réussir, un plombier pareil, l'enseignant aussi. La question est alors la suivante : Qu'entend-on par réussir ? efficace ?

 

Je reviens alors au positionnement éthique : Qu'est ce qu'un élève ? Quels buts viser à l'école ? Quand peut-on dire qu'un enseignant réussi ? Réussir quoi ? Y a-t-il une science ou une technologie qui permet de juger de l'action de l’enseignant ?

 

L'enseignant peut-il se glisser dans la définition du « professionnel en général », l'identité professionnelle de l'enseignant est-elle d'une nature particulière ?

 

Je crois qu'il faut prendre en compte très sérieusement les éléments suivant qui nous empêche de trancher et qui rendent notre métier si profond :

 

  • Nous sommes des êtres humains travaillant sur « l'humain »,

  • Nous sommes des « individus » travaillant avec « des individus »,

  • Nous travaillons au développement d'une « machine vivante» d'une complexité incommensurable,

  • Et nous travaillons aussi pour une communauté et dans une communauté culturellement construite sur des principes philosophiques dont nous sommes garants.

     

     

    J'avais vraiment aimé, la dernière fois, les multiples points de vue et les différentes façons d'entrer dans la question de la professionnalité.

     

    Mathieu avait proposé une entrée d'ordre épistémologique : pourquoi se pose-t-on cette question, Vaut-elle le coup d'être posée ? Cette problématique n'est-elle pas un brouillard qui cache nos inquiétudes. En effet, plus que la professionnalité, je crois que c'est l'identité même du travail enseignant, notre positionnement dans la société qui nous pose question. Répondre par la professionnalité n'est qu'une manière parmi tant d'autre de répondre à ces inquiétudes.

     

    C'est peut-être la technicisation du monde du travail qui nous pousse à poser cette question : sommes-nous des professionnels ? Ce serait sacrément rassurant de pouvoir donner les critères objectifs démontrant notre professionnalité. La dernière fois, j'ai volontairement comparé instituteur et plombier : notre métier est-il une addition de savoir-faire ? La dimension technique existe mais elle ne recouvre pas l'ensemble du métier, loin de là !!

     

    En posant la question de l'identité, je comprends mieux le propos de Romain qui insistait sur l'histoire collective de notre corps, l'identité de notre profession est fortement ancrée dans les mouvements solidaires, collectifs et syndicaux. La profession c'est aussi construite autour de l'histoire de la République égalitaire (notamment dans l'accès au fonction par concours, pour le meilleur et pour le pire cf La noblesse d'Etat Bourdieu). Je crois que c'est en partie à cause de l'effondrement de ces repères collectifs que la question « qu'est ce que c'est que notre métier ? » est en train de revenir en force. On doit pouvoir justifier de notre action, qui autrefois, allait de soi.

     

    Plutôt que « professionnels », je parlerai donc « d'identité professionnelle », ce concept plus large permet de faire entrer tous les points de vue :

    • le point de vue macro : notre profession est le résultat d'une histoire collective

    • le point de vue micro : je travaille en collaboration dans une équipe, je partage et m'interroge (Vincent)

    • le point de vue interne : je joue un rôle actif dans ma classe pour faire accéder les élèves au rang de citoyens libres (par le savoir-être, les savoirs, les capacités...)

     

    Actuellement, il est nécessaire de pouvoir justifier de notre action, donc il faut communiquer sur l'ensemble de ces trois points de vue. Communiquer pour travailler avec les parents, pour faire évoluer l'institution, pour donner de l'information aux élèves quant à leur progrès, pour construire de la confiance... Par conséquent, ce n'est peut-être pas un problème de professionnalité mais un problème de communication, de relation. Comment parler de notre métier ? Que dire de notre action ? Quels indicateurs ? (texte de Jeannot) pour communiquer et rendre notre métier lisible ?

     

    Cela nous permettrait peut-être de replacer notre profession au cœur de la République.

     

     

     

     

     

     

     

Partager cet article
Repost0

commentaires